Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique
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Le Confédéralisme démocratique serait-il la dernière chance du socialisme ?
Alors qu’un peu partout dans le monde revient le débat sur la démocratie (représentative, participative ou directe), sur l’organisation (parti, autonomie ou fédéralisme), sur la stratégie (conquête du pouvoir ou action en marge), sur l’autre futur (État démocratique ou société sans État), la révolution que mènent les kurdes en Turquie et en Syrie apporte des réponses concrètes, particulièrement au Rojava libéré de Bachar al-Assad et de l'État islamique. Des réponses porteuses d’autant d’interrogations :
● La société sans État est un but affirmé sans ambiguïté, mais, pour y arriver, la phase transitoire d’autonomie démocratique est-elle la meilleure voie ?
● La démocratie directe est proclamée, mais est-elle exercée ?
● Le parti devrait céder devant la fédération des communes autonomes, mais en a-t-il l’intention ?
● Le pouvoir est à détruire, un proto-gouvernement répond-il à cette finalité ?
À ces questions ce livre apporte des éléments de réponse tant sur les bases théo-riques du municipalisme libertaire et du confédéralisme démocratique que sur leur mise en oeuvre dans les institutions et la société, pour que chacun se fasse une opinion.
UN AUTRE FUTUR POUR LE KURDISTAN ?
Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique
Pierre Bance
Dans la presse, chez les militants de gauche ou les politologues, on parle beaucoup des exploits des combat-tants et combattantes kurdes. Pour-quoi réussissent-ils, là où les autres échouent ? Parce qu’au-delà de la défense de leur identité, une idée nouvelle leur fait espérer un autre futur : le confédéralisme démocratique. Et de cela, on ne parle pas.
Au début des années 2000, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) abandonne le marxisme-léninisme et son ambition de construire un État-nation kurde. Il adopte alors l’idée et la stratégie du confédéralisme démocra-tique pensé par son leader, Abdullah Öcalan, lui-même fortement influencé par le municipalisme libertaire du phi-losophe américain Murray Bookchin qui place l’écologie sociale comme moteur de la révolution. Les organisa-tions de la société civile (associations, syndicats, coopératives, communau-tés ethniques et religieuses, partis…) se mettent en réseau sans que leur stratégie exclut la conquête de munici-palités et l’élection de parlementaires. Le but est de marginaliser l'État et finir par le rendre inutile, tout comme le capitalisme. Le confédéralisme démo-cratique ne se limite pas au Kurdistan, il a une vocation universelle.
En Turquie, le PKK souhaitait aban-donner la lutte armée pour se consa-crer à la fédération, déjà bien engagée, des communautés kurdes dans le cadre d’une nouvelle constitution tur-que. Le processus de paix ayant été rompu en 2015 par le gouvernement turc, une lutte acharnée se poursuit sur les terrains militaire, social et politique.
Au Nord de la Syrie, le Rojava, sous contrôle du Parti de l’union démo-cratique (PYD), s’organise selon l’auto-nomie démocratique, phase préalable au confédéralisme démocratique. Un « gouvernement » appelé auto-administration démocratique assure la gestion de la région. Ce pouvoir se dissoudra-t-il dans la société civile confédérée ou maintiendra-t-il un État ? Dit autrement, le fédéralisme libertaire sera-t-il assez fort pour vaincre le fédéralisme politique mis en place et justifié par la conduite d’une guerre incertaine ?
Tout n’est pas parfait au Rojava, l'État n’a pas disparu, la démocratie directe est loin d’être générale, et le fédéra-lisme libertaire des communes auto-administrées balbutie. Cependant, trouve-t-on ailleurs une telle volonté radicale de changement dans un contexte politique, culturel et militaire si peu propice ? La révolution ne se fait pas en un jour, alors pourquoi douter que les Kurdes parviennent à cons-truire un autre futur d’émancipation ? Leur expérience est un exemple, non un modèle, pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le mouvement social.
L’auteur
Pierre Bance, docteur d’État en droit, a été directeur des Éditions Droit et Société de 1985 à 2008. Anarchiste et syndicaliste, ses derniers travaux sont publiés sur le site Autre futur.net (http://www.autrefutur.net/).